Revenir en Gaspésie – Partie 8 : La fin de l’exil

Si l’exil est une espèce de longue insomnie, comme disait Victor Hugo, la fin de l’exil pourrait ressembler à un doux et lent réveil de matin de fin de semaine. Ceux qui existaient avant d’avoir des enfants, bien sûr!

Crédit photo : Geneviève Smith

C’est dans cet état d’éveil que je semblais flotter, alors que j’emballais mes chaudrons dans des boîtes, entre deux tétées demandées par mon petit bébé tout neuf. Peut-être était-ce en raison du manque de sommeil qu’amène un nouveau-né ou à cette sensation que tout semblait finalement être à sa place, mais j’avais l’impression de flotter entre deux espaces temps. Pas tout à fait à Rimouski ni encore en Gaspésie.

Qu’importe, j’étais enfin en paix avec moi-même. Je ne quittais pas Rimouski comme j’avais quitté Montréal. J’étais partie de Montréal comme on quitte une relation toxique, comme on quitte un amant de passage : sans un au revoir ni un regard derrière soi. Je quittais plutôt Rimouski comme on met fin à une relation qui nous a fait du bien, qui nous a fait évoluer, mais qui ne nous mènera pas là où on souhaite aller. Je quittais Rimouski comme on quitte un premier amour ; avec un peu de regret, mais convaincue que d’autres possibilités existent. Et, je le savais, je reviendrais en visite. Comme on revient dans les bras d’un premier amour. Pour le confort et la familiarité.

Un aller simple

Juin 2019. La nuit a été courte, avec un bébé de 5 semaines. On entend l’écho dans la maison et les boîtes jonchent le sol. Pour être encore plus thématiques, c’est la journée de la Gaspésie. Partout autour de la péninsule, on s’habille en bleu. Pour notre famille, le bleu sera partout désormais, mais surtout à l’horizon.

Je prends la route, ce matin-là, le cœur léger. Dix années se sont écoulées depuis mon départ de la Gaspésie. Dix années d’exil, mais aussi dix années où mon identité gaspésienne n’a fait que se renforcer au fil du temps.

Je longe le fleuve Saint-Laurent le cœur léger et le ressac des vagues me berce doucement. Le soleil brille dans le ciel, mais surtout dans ma tête. Je quitte la mer en direction des terres. La vallée de la Matapédia m’accueille à bras ouverts. Je sillonne ses courbes en douceur et j’arrête au gré des allaitements. Pour une fois, je ne suis pas pressée. Je n’ai pas de compte à rebours avant de devoir revenir en ville. Je me laisse immerger par la beauté du paysage et j’ai un sourire en coin devant les chauffards du dimanche. Ici, personne n’est pressé. J’ai presque l’impression que mon rythme cardiaque ralentit un peu, lorsque j’arrive à l’embouchure de la rivière Restigouche, où j’aperçois le début de ma belle baie des Chaleurs.

En 2009, en quittant la Gaspésie pour Montréal, si on m’avait dit que je reviendrais habiter chez mes parents, à presque 30 ans et avec deux enfants, le temps que ma maison en construction soit prête, j’aurais probablement éclaté de rire.

En 2019, alors que je regarde tendrement le visage de ma fille dans sa coquille, par le rétroviseur de la voiture, une petite voix intérieure me confirme que l’exil est terminé. Je suis enfin de retour à la maison.

Qu’il est si beau mon village, se mirant dans la baie.
Est-il toujours aussi sage? Moi tu sais, j’ai changé.
C’est le miroir de mon enfance, de mes jeunes années.
Avec un peu de chance, un jour je reviendrai.

– Paul Davis

 

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Revenir en Gaspésie – Partie 1 : L’exil
Revenir en Gaspésie – Partie 2 : Le déracinement
Revenir en Gaspésie – Partie 3 : Le rapprochement
Revenir en Gaspésie – Partie 4 : La prise de conscience
Revenir en Gaspésie – Partie 5 : Convaincre
Revenir en Gaspésie – Partie 6 : Le saut dans le vide
Revenir en Gaspésie – Partie 7 : Du rêve à la réalité

Cet article a initialement été publié en 2019 sur l’ancien blogue MAMA Gaspésie.