Revenir en Gaspésie – Partie 6 : Le saut dans le vide

Le choix était fait : nous allions revenir nous établir en Gaspésie. Mais quand? Quel était le meilleur moment pour faire ce grand saut dans le vide? Y avait-il un point de friction qui permettait de déterminer que nous allions faire le bon choix au bon moment? Au fil de nos réflexions, nous avons réalisé qu’il n’y a jamais vraiment de moment parfait.

Un peu comme avoir un enfant. Personne n’est réellement tout à fait prêt. Il faut simplement retenir son souffle et plonger. Plonger et faire confiance à la vie.

Au final, nous nous sommes fixé un seul objectif : revenir avant que nos enfants débutent l’école à temps plein, histoire de leur permettre de s’enraciner plus facilement.

Je ne suis pas une personne avec de grandes convictions religieuses. J’ai toujours cru en deux choses : en moi-même et en la vie. Croire en moi-même m’a toujours permis d’être certaine des choix que je faisais; de foncer les yeux fermés vers les buts que je me fixais. Croire en la vie me permet d’accepter que les choses ne se passent pas nécessairement toujours comme je les avais imaginées et que c’est parce qu’il y a une raison derrière tout ça. Il faut simplement accepter ce que l’on ne peut pas changer.

Ainsi, j’ai l’ultime conviction que tout se place lorsque l’on prend les bonnes décisions. En fait, c’est plutôt notre regard sur les choses qui se fait différemment. Après tout, dans bien des cas, la seule chose que l’on contrôle vraiment, c’est notre réaction face aux différentes situations. J’ai longtemps utilisé l’excuse de l’emploi pour justifier mon choix de ne pas retourner en Gaspésie. Pourtant, dès que ma décision a été prise, je me suis mise à remarquer des offres d’emploi qui correspondaient exactement à mon profil, et ce, de façon régulière.

J’ai toujours su que la Gaspésie regorgeait de possibilités, mais je n’avais jamais réalisé à quel point. Jusqu’à ce que j’ouvre un peu plus les œillères qui s’étaient installées au fil des années. Jusqu’à ce que j’écoute mes convictions profondes qui me disaient de ralentir un peu. Qu’être débordée, ce n’était pas un mode de vie ! Que la qualité de vie vaut pour beaucoup, au bout du compte, et qu’un salaire annuel, aussi élevé soit-il, ne rend pas nécessairement plus heureux. J’ai surtout réalisé que j’avais changé. Que mes priorités n’étaient plus les mêmes qu’avant. Que la proximité de ma famille et de la nature étaient des besoins plus viscéraux que d’autres. J’ai réalisé que la maternité m’a fait grandir.

N’allez pas croire que je suis unique. Cet appel de la Gaspésie, je ne suis pas la seule à l’avoir eu. Dans les dernières années, plusieurs de mes amis en sont venus au même raisonnement et ont décidé de foncer, eux aussi, en s’installant en Gaspésie. En réalisant tout le potentiel offert par notre région d’origine. Et c’est sans compter tous ces néo-gaspésiens qui sont tombés en amour avec la région pour une multitude de bonnes raisons.

Une décision douce-amère

Ce saut dans le vide ne s’est toutefois pas fait sans des choix déchirants. L’annoncer à mon employeur n’a pas été facile parce que, comme je l’ai souvent mentionné, j’adore mon travail et mes collègues. La réaction de ma gestionnaire a d’abord été la surprise, mais surtout la compréhension. Il faut dire que mon amour pour ma chère Gaspésie n’a jamais été un secret pour personne. C’est, comme je lui ai souvent mentionné, une décision douce-amère…

Devoir retirer son enfant d’une garderie en milieu familial exceptionnelle n’est pas non plus une décision facile. Une simple place en garderie est une denrée tellement rare! Imaginez quand l’on tombe sur un milieu qu’on adore avec une éducatrice en or. Il faut recommencer les démarches et espérer trouver un endroit qui concordera avec nos besoins. Plusieurs autres parents peuvent témoigner de la difficulté à regagner le marché du travail lorsque les places en garderie sont pratiquement introuvables.

Et puis, il y a ce cercle d’amis qui s’est développé avec le temps. Ces gens qui font partie de notre quotidien et que l’on renonce à voir sur une base régulière. Certaines amitiés perdureront, mais d’autres s’effileront avec le temps… Ainsi va la vie. Il faut faire preuve d’une grande résilience et ne jamais perdre de vue l’objectif premier. Il faut surtout accepter d’être égoïste et de choisir son bonheur, pour une fois.

Ce saut dans le vide, c’est d’accepter que tout ne soit pas parfait et que rien ne soit comme avant. Revenir en Gaspésie après 10 ans, ce n’est pas retourner dans de vieilles pantoufles, c’est apprendre à chausser de nouveaux souliers. Des souliers familiers, certes, mais différents. Après tout, je ne suis pas la seule à avoir changé dans les 10 dernières années…

Ce saut dans le vide, c’est renoncer à son quotidien pour s’en créer un nouveau. C’est repartir à neuf et en profiter pour changer certaines habitudes. C’est une série de petits deuils, mais aussi belles découvertes. C’est d’accepter de remettre en question certaines de nos idées et de s’ouvrir à d’autres réalités. C’est humblement penser qu’on pourrait contribuer à dynamiser la région, sans pour autant ne pas reconnaître le travail de ceux qui sont restés sur place pour y travailler.

Et ce saut dans le vide, il est arrivé au moment parfait. Exactement au moment où un nouvel être humain s’est installé au creux de mon ventre.

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Revenir en Gaspésie – Partie 7 : Du rêve à la réalité

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Cet article a initialement été publié en 2019 sur l’ancien blogue MAMA Gaspésie.