Revenir en Gaspésie – Partie 4 : La prise de conscience

Je suis devenue maman en 2016. Et bien que les débuts aient été un peu atypiques (j’en ai parlé publiquement ici), ma grossesse et la naissance de mon premier enfant ont été des moments magiques. Devenir maman m’a adouci.

Crédit photo : Sophie Jean

De tigresse engagée toujours prête à prendre position publiquement, je suis devenue lionne réfléchie, qui choisi ses combats et garde ses forces pour prendre d’abord soin de ses petits. Est-ce qu’apprendre à être maman s’est passée dans l’allégresse et la joie ? Pas toujours. Le manque de sommeil a grandement contribué à plusieurs remises en question.

J’ai découvert en moi une patience plus grande que je le croyais, une tendresse plus importante que je l’imaginais et une force de caractère que je connaissais, mais dont je n’avais jamais encore testé les limites aussi intensément. Est-ce que j’y changerais quoi que ce soit? Aucunement. Devenir maman est la plus belle aventure qui me soit arrivée. Et le début d’une grande réflexion sur la vie, sur l’avenir que j’espérais pour mes enfants et même sur mes valeurs personnelles.

La vie comme soloparentale

Il faut dire que mon contexte familial est particulier : je suis soloparentale la moitié du temps. Mon amoureux travaille dans les mines dans le Nord-du-Québec avec un horaire fly-in/fly-out dont plusieurs familles gaspésiennes connaissaient les rouages. C’est un horaire atypique qui, dans notre cas, nous convient parfaitement. Si Papa n’est pas là pendant 2 ou 3 semaines, il est omniprésent les semaines suivantes. Avec le temps, nous avons trouvé notre équilibre. Équilibre qui s’est toutefois fragilisé en devenant parents.

Son horaire particulier nous a permis de belles possibilités, comme être ensemble, à la maison, durant les quatre premiers mois de vie de notre fils. Nous étions dans un petit cocon pour profiter de ce quatrième trimestre tout en douceur, en apprenant à connaître ce petit humain qui s’ajoutait à notre famille, tout en se découvrant comme parents.

Mais, après la lune de miel, mon amoureux a dû repartir. Je suis restée seule avec mon enfant de 4 mois qui ne faisait pas ses nuits et qui, en pleine poussée de croissance, se réveillait toutes les 45 minutes la nuit pour téter. Seule pour gérer non seulement un enfant, mais le reste de notre vie et tout ce que ça implique. Par chance, je n’étais pas entièrement seule : j’avais ma sœur. Elle avait quitté Québec pour venir s’établir à Rimouski, lorsqu’elle avait appris ma grossesse. À ce jour, c’est assurément l’un des plus beaux gestes qu’on ait jamais posés pour moi. Ma soeur et mon fils ont d’ailleurs aujourd’hui une relation particulière qui m’émeut profondément lorsque je les regarde s’amuser ensemble.

Parfois lentement, plus souvent à la vitesse de l’éclair, la première année est passée. L’équilibre est revenu, dans une forme de routine qui nous permettait d’être heureux et qui semblait nous convenir. Je suis retournée sur le marché du travail. Je me suis même inscrite à un nouveau cours à l’université, éternelle étudiante que je suis. Mon sujet d’étude cette fois-ci? Le sentiment d’appartenance… Même après toutes ces années, j’y revenais encore et toujours.

Le bonheur : cette illusion

De l’extérieur, je semblais comblée, mais une petite voix intérieure me disait que ce n’était pas tout à fait la vie que je voulais, qu’il y avait quelque chose qui clochait. J’avais d’abord cru que c’était le manque de sommeil ou la période post-partum. Mais ce sentiment persistait, quelque part au dedans de moi. J’avais l’impression que tout était différent, comme si les choses n’étaient pas exactement comme elles devraient l’être.

Je voyais ma vie défiler devant mes yeux et je me disais que j’étais bien ingrate de ne pas être plus heureuse. Je me sentais coupable de ne pas apprécier pleinement ce que j’avais. Je me sentais parfois comme un funambule sur un long fil. Et surtout, je n’arrivais pas à mettre les mots sur ce que je vivais. Je ne comprenais pas d’où venait ce sentiment indescriptible qui me faisait remettre en question tous les aspects de ma vie.

Début 2018. C’est en discutant avec une amie qui était en visite à Rimouski que j’ai finalement compris. Elle m’a fait part d’une réflexion qu’elle avait elle-même eue en devenant maman : elle aimerait peut-être retourner s’établir en Gaspésie un jour, pour y élever ses enfants. Loin du bourdonnement de la ville. En l’entendant dire à voix haute ce que mon cœur tentait de me faire comprendre depuis un moment, c’est comme si le rideau qui couvrait mes yeux s’était finalement levé. Comme si les nuages qui obstruaient de façon sournoise le soleil s’étaient subitement volatilisés. Je comprenais enfin.

Retourner en Gaspésie. Me rapprocher de ma famille. Ralentir le rythme. Offrir la possibilité à mes enfants de grandir en milieu rural. Changer de mode de vie. Vivre autrement. Oserais-je?

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Revenir en Gaspésie – Partie 5 : Convaincre

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Cet article a initialement été publié en 2019 sur l’ancien blogue MAMA Gaspésie.