Revenir en Gaspésie – Partie 1 : L’exil

L’exil a commencé en 2009, pour les études. Une situation classique comme pour plusieurs autres Gaspésiens. Partir était pour moi la seule façon d’accéder à un baccalauréat dans mon domaine. Déjà, j’avais retardé mon exil de deux années

L’exil est une espère de longue insomnie.

– Victor Hugo

Pour le cégep, j’étais allée à contre-courant. Plutôt que de partir vers l’ouest, comme la plupart des autres le faisaient, j’étais partie vers l’est. Pour aucune raison particulière sauf la volonté de ne pas vouloir quitter tout de suite la Gaspésie, mais la nécessité de changer d’air, j’avais levé l’ancre vers la pointe.

Bye bye Baie-des-Chaleurs, bonjour Gaspé! De ma cohorte du secondaire, qui comptait environ 90 finissants, nous sommes deux amies à être parties pour la pointe de la péninsule. Plusieurs restaient dans la Baie-des-Chaleurs, certains allaient à Rimouski, beaucoup avaient choisi Québec et quelques courageux ont mis le cap sur Montréal.

Pour ma part, j’avais envie de découvrir la Gaspésie autrement, de connaître toutes ses longueurs et toutes ses courbes. Je n’ai pas été déçue! Parce qu’il est parfois vallonné, le chemin entre la Baie-des-Chaleurs et Gaspé, m’étais-je dit innocemment avant de rendre visite, quelques années plus tard, à une amie à Grande-Vallée.

Deux années à Gaspé. Deux années de bonheur, de folies, d’apprentissage, de joies, de découvertes. Et d’amour, surtout. Parce que j’y ai rencontré des personnes formidables, dont plusieurs sont encore des amis proches aujourd’hui, mais surtout parce que j’y ai rencontré l’homme de ma vie, celui que mes enfants appellent aujourd’hui « Papa ».

Et il m’a fait découvrir sa Gaspésie, son coin caché : Percé et les alentours. Pas le Percé touristique qui tapisse les outils promotionnels de tout un chacun, mais le Percé sauvage, celui qui s’étend loin du centre-ville. Celui qui longe la plage de Coin-du-Banc et qui s’enfonce dans la forêt derrière Barachois. Et je suis tombée doublement en amour. Avec une plage de sable à perte de vue, avec des caps qui se dressent face à l’immensité de l’océan, avec un coin de pays qu’on dirait parfois laissé à soi-même, mais qui regorge de petites surprises et de gens attachants.

Les raisons de l’exil

Pourtant, une chose demeurait : je devais quitter la Gaspésie pour Montréal. J’avais ce rêve depuis mes 14 ans : entrer au baccalauréat en journalisme à l’UQAM. Après des années d’effort et d’implications, après des tests de sélection et des entrevues qui m’avaient semblé durer une éternité, je ne pouvais pas passer à côté de la chance d’être admise. Soixante étudiants choisis sur près de 500 applications, comment refuser?

Alors, j’ai plongé.

Le départ

J’ai emballé ma vie dans sa petite voiture et mon amoureux est venu me reconduire à Montréal. Mille kilomètres pour s’y rendre; une route que j’ai apprise par cœur à force de l’emprunter pour revenir le voir. Mille kilomètres à longer le fleuve pour quitter ma Gaspésie. Mille kilomètres qui me donnaient l’impression de laisser une partie de mon identité derrière moi.

Je me souviendrai toujours de mon arrivée à Montréal. Je n’y étais allée qu’une poignée de fois avant de m’y installer pour de bon. Je nous revois traverser le tunnel et entrer sur l’île. Je revois les gratte-ciels et ces gens, qui semblaient marcher si vite. Je revois cet accident, qui était arrivé probablement quelques minutes avant notre passage et pour lequel les deux conducteurs n’avaient pas trouvé de meilleures solutions que de régler le tout à l’amiable, c’est-à-dire avec les poings. Je revois mon coloc de l’époque (un Gaspésien, évidemment!) qui semblait si à l’aise de se promener en ville, alors que je l’étais si peu, comme un poisson hors de l’eau. Pourtant, je devais me faire à ma nouvelle réalité : une réalité urbaine.

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Revenir en Gaspésie – Partie 2 : Le déracinement

Cet article a initialement été publié en 2019 sur l’ancien blogue MAMA Gaspésie.